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CHARLES GAETAN,
COMTE DE GAISRUCK, ARCHEVÊQUE DE MILAN,
GRAND DIGNITAIRE ET AUMONIER DE LA COURONNE DU ROYAUME LOMBARD-VENITIEN, CONSEILLER INTIME ACTUEL DE S, M. I. R* A. , ETC.
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Je teà) -buiiilae et bùi - obciJiant Onmïewi
creva . cAo xkouoi co bilmt , c&4. "' ^y® vnl iâ23.
PREFACE.
V./N regardera , peut-être , comme une entre- prise téméraire la publication de cet ouvrage , lorsque nous possédons déjà des écrits anciens et modernes sur le même sujet. Est-ce la pré- tention de mettre la nôtre en parallèle avec eux ? Est-ce l'ambition orgueilleuse de les sur- passer , en croyant faire mieux ? Voilà ce qu'on nous demandera.
La première supposition , répondrons-nous , juste ou non , ne doit jamais , en aucun cas , décourager de nouveaux éditeurs. Car quelle que soit la matière traitée , il est toujours pos- sible de la présenter sous un nouveau point de vue , de lui donner une forme différente. Il est certain qu'on peut y attacher des idées qui ont échappé aux autres , ou donner aux mêmes idées plus de développement qu'ils ne l'ont fait. Ceci est fort ordinaire , principalement lorsqu'il s'agit des objets qui appartiennent aux beaux arts, lesquels font naître des impressions et des jugemens aussi multipliés qu'il existe de différence dans les organes de tous les hom-
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mes , et dans le genre et l'étendue des connais- sances qu'ils ont acquises. Ne remarque-t-on pas cette ve'rité dans les ouvrages des écrivains qui se sont occupés des monumens des arts ? On devine , en les lisant , à quelle époque ils ont été dictés ; on s'aperçoit facilement combien leur goût a été plus ou moins délicat, selon les progrès ou la décadence de ces mêmes arts, au temps où ces auteurs ont vécu.
Si la critique a déjà relevé des erreurs dans plusieurs des ouvrages publiés sur l'église de Milan, qui ont précédé le nôtre; si nous avons taché de profiter de ses avertissemens , pour éviter ces erreurs ; ou si nous avons cru utile encore , pour éclairer nos lecteurs , de les dis- cuter de nouveau, en ménageant toujours l'a- mour propre des uns et des autres , ne pou- vons-nous pas répondre à la seconde supposi- tion, que tout en nous bornant là, nous courons la chance de faire mieux. Nous nous hâtons , cependant, de confesser que, malgré tout le soin que nous y avons mis , nous n'échapperons pas à la critique : car qui peut se flatter de ne ja- mais s'égarer, surtout lorsqu'il s'agit de remon- ter à des temps éloignés, presque toujours en- veloppés de ténèbres , et soumis à des préju- gés qui rendent impossible la découverte de la vérité ?
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Un écrivain , de quelque génie qu' il soit Joue, pourra- t-il jamais donner, en les décri- vant, à qui ne les a pas vus, une ide'e exacte et parfaite des chefs-d'oeuvre de Raphaël, de Michel-Ange, du Corrège, de Léonard de Vinci? Comment faire concevoir par le discours , la sublimité de l'invention , la distribution heu- reuse de la composition, l'énergie de l'expres- sion dans les attitudes et les traits , la pureté et la grâce du dessin , les effets piquans de la lumière , enfin le charme et la vérité de la couleur ? Ce sera à grande peine si 1' on par- vient à rappeler à l'imagination de l'amateur qui a admiré ces chefs-d'oeuvre , quelques-unes des sensations diverses qu'ils lui auront fait éprouver.
Parcourons tous les ouvrages, où l'on dé- crit ces superbes monumens de la sculpture et de l'architecture, échappés au ravage des temps , et qu'ont produit la Grèce libre et la superbe Rome. Lequel nous a donné une idée de la douleur si profonde et si sublime de l'infortuné Laocoon , dans le groupe du Musée Clémentin , ou de la majesté divine sur la figure du bel Apollon dit du Belvédère ? Observez un lec- teur qui vient de réciter les beaux vers de Virgile , et celui qui est placé devant le fameux
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groupe. Le premier vous répondra, si vous l'in- terrogez , que cette description des tourmens du grand prêtre, est un des plus beaux passages de l'Enéide, qu'on ne peut trop admirer!.... Il n'a vu que Fart du poète , et il n'est point ému; son esprit est séduit, mais son coeur n'est pas palpitant ; il relira plusieurs fois le morceau avec calme. Voyez le second ; il est silencieux , les yeux fixés sur ces trois figu- res , dont il ne peut se détacher, son ha- leine est suspendue , ses regards sombres re- viennent toujours sur cette admirable tête du prêtre de Neptune, il paraît souffrir avec lui, et cependant il reste là ; vous serez obligé de l'en arracher. Interrogez-le ; il vous dira qu'il lui est impossible d'exprimer tous les mouve- mens dont son ame a été agitée devant ce marbre. C'est à la peinture, au dessin, à la gravure, qu' il appartient surtout de faire noitre des impressions vives, parce qu'elles représentent les objets avec toute la beauté de leurs formes , parce qu'elles les offrent sous tous les aspects, comme dans leur ensemble , et qu'elles agis- sent sur nos sens par l'illusion qui les trompe. Cette vérité est incontestable , lorsqu' il est question de monumens tels que celui dont nous allons nous occuper , et elle sert a prouver
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combien la meilleure description est ste'rile sans le secours de la gravure. Est-ce assez que dire : cette cathédrale s' élevé majestueusement , sa façade est un trésor immense de richesses en sculpture de tous les genres ? Qui peut d'après cela se faire une idée de sa forme générale, et combiner dans son imagination tous les dé- tails qui la composent? Est-ce assez pour faire apprécier le mérite des statues produites par le ciseau des Solari, des Busti, des Pizzi, des Pa- cetti , des Marchesi, des Monti, que l'écrivain leur donne l'épithète de très-belles ? Notre imagination peut quelquefois, sans guide, s'at- tacher à des idées communes , parce qu'elle ne crée rien hors du cercle où ses connaissan- ces l'ont placée ; il n'y a que quelques êtres privilégiés qui aillent au de-là. C'est pour cela, qu'on prétend que le divin Homère ne vit ja- mais de modèles des arts qu'il a peints dans ses poèmes , et que son génie devança cepen- dant les progrès de la sculpture et de l'archi- tecture.
Mais s'agit-il d'objets existais, il ne faut pas laisser égarer la pensée; il faut l'amener jusqu'à la vérité la plus exacte, par des tableaux fidèles, et la fixer sur des beautés connues; tel est le but , et tel est l'effet des dessins , des tableaux,
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des gravures. Il faut avoir vu les tableaux de notre Migliara pour sentir tout ce que peut ins- pirer de sentiraens religieux et d'admiration l'in- térieur de la basilique de Milan.
S il faut donc nécessairement, pour bien dé- crire les monumens des arts, .employer la toile ou le cuivre , c'est en cela , peut-être , que consis- tera tout le mérite qu'aura notre ouvrage au- dessus des autres. Ce sont nos Soixante et cinq planches , exécutées avec soin , d'après des des- sins très-fidèles, lesquels, malgré leur petite pro- portion , feront connaître, même à l'étranger qui n'est pas venu en Italie , la fameuse Basilique de Milan , et qui rendront présens son ensem- ble et ses plus beaux détails aux connaisseurs qui l'auront examinée et admirée à leur aise : nous pouvons assurer que rien n'a été néelieé par nous à cette intention , et que l'on ne pourra jamais nous accuser à cet égard d'aucune erreur et d'aucune invraisemblance.
Sans le désir de satisfaire la curiosité des amateurs qui veulent connaître les noms des auteurs des célèbres monumens , et les époques de leurs travaux , nous n'aurions pas eu besoin de placer un discours; tout était fait par nos gravures. Mais on désire de savoir en quel siè- cle, en quelle année, un édifice aussi pompeux
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fut commence, par qui il fut fonde, quels en furent les premiers architectes, et quand il fut achevé'. Il fallait, pour répondre à ces questions, consulter les archives , les traditions , les écri- vains de tous les temps ; il fallait démêler , à travers les opinions diverses , là où les autorités irréfragables nous manquaient, ce qui était cons- tant ou probable. Cependant nous ne nous som- mes pas trop appesantis là-dessus, parce que nous ne voulons pas nous présenter comme histo- riens.
On nous saura gré , sans doute , d'avoir vu en artistes les objets d'art de ce superbe édi- fice , de relever quelquo-uns de leurs défauts, comme aussi d'inviter les curieux à se fixer plus long-temps devant ceux qui offrent des beautés réelles. Nous avons jugé, avec raison, peut- être , que parmi la quantité d'étrangers que nous voyons se placer tous les jours devant cet édi- fice , se promener sous les voûtes de ce tem- ple , il en sera qui auront besoin d'être éclairés, qui pourraient être trompés par des opinions erronées , que le temps accrédite , qui sont pro- noncées magistralement devant eux par une ha- bitude d'ignorance ou d'opiniâtreté. Car ce n'est pas aux discours des guides salariés que le vé- ritable connaisseur prête l'oreille : c'est même
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avec pitié, avec impatience, qu'il les entend dé- biter leurs historiettes, leurs anachronismes et les éloges distribués aveuglément. Notre ouvrage à la main , les curieux pourront éviter ces désa- grémens , et s'instruire , sans rien emprunter des préjugés vulgaires. Voilà quel est notre plan, quel est le but de notre ouvrage ; heureux si on l'accueille avec autant intérêt que l'objet dont nous nous occupons mérite d'admiration !
DESCRIPTION
DE LA
CATHÉDRALE DE MILAN (.}.
V>e superbe édifice a un caractère si imposant , qu'il est difficile à l'observateur le plus froid et le moins sen- sible, de n'être pas singulièrement étonné en le voyant (V. PI. I, H ). Il est construit dans ce style qu'on appelle communément gothique moderne, dont le goik s'étoit introduit en Italie depuis le XII siècle , et que quelques écrivains attribuent aux Arabes ou aux Maures, plutôt qu'aux Goths , peuples qu'ils supposent trop barbares pour avoir eu des idées si élevées. Ces opinions peuvent se concilier facilement, puisque la grossièreté que l'on remarque encore dans les édifices qui nous sont res- tés des Goths, en Allemague , en France et en Italie, atteste en effet que rien autre chose n'est dû , dans ce que nous admirous aujourd'hui sous le nom de Golbique , à ces peuples que les toits aigus , et les
(i) Dans la plupart des villes d'Italie, la principale église, la cathédrale , est appelée il Duomo , et il y a de très-érudi- tes dissertations sur cette dénomination et sur son origine : mais nous en ferons grâce à nos lecteurs. Nous nous conten- tons de prévenir les étrangers que Duomo est le mot consa- cré, et qu'il ne peut être traduit en françois par Dôme , parce qu'alors il n'exprime plus le tout, mais une partie du temple.
arcs eu ogives, formes plus propres aux climats d'où ils s'étaient débordés qu'au nôtre. Il restera dune cons- tant que le style gothique qu'on peut appeler moderne, est venu depuis l'invasion des Arabes en Espagne , et de leurs conquêtes dans nos contrées. En effet c'est de- puis que Charleraagne les combattit , et les repous- sa , que datent les plus beaux édifices de ce genre avec toute la richesse moresque. Les savans qui se sont occupés de l'histoire des arts , pensent néanmoins que Ton doit distinguer le style de nos églises sous le nom de Gothique Lombard en ce qu'il offre des différences qui paraissent n'appartenir qu'à nous. Nous adopterons volontiers cette dénomination qui donne une originalité au superbe monument de Milan. Mal- gré la bizarrerie du style (t), ce temple est ce que
(i) Nous ne pouvons nous refuser à citer ici ce qu'en dit un de ces écrivains qui accordent tout le prix à 1' élan som- ptueux d'une imagination active, et à un genre de sensibilité' qui étonne toujours les esprits ordinaires; nous n'adopterons pas cependant ses idées, trop rigoureuses, sur les chefs-d'œuvre qui out eu leurs modèles dans les monumens de 1' antiquité'.
« Le ge'nie n' a plus rien à faire dans votre architecture grecque. Vos cinq ordres sont invariablement fixe's comme les sept tons de la musique ; les proportions de chaque colonne leurs distances entre-elles , la frise, l'architrave, la longueur d'une feuille d' achante , et jusqu'au moindre filet_, tout est mesuré d'avance, à un quart de ligne près. »
«Dans l'architecture gothique, au contraire, l'imagination retrouve toute sa liberté; elle peut créer des ornemens , épan- cher sa richesse dans le vaste dessin d'une façade, dans les innombrables détails d' un portique ; elle peut donner cours à. ses fantaisies, à ses rêves; chercher même hors de la nature des formes et des figures nouvelles , et disposer de chaque pierre pour en faire 1' expression d' une pensée. Il vous restera
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l'art dans ce genre a pu inventer de plus grand, de plus recherché , e-t de plus merveilleux. 11 surprend par ses grandes masses, par la multitude de ses tours ou aiguilles pyramidales , ornées de figures , découpées à jour, et il se distingue autant par la hardiesse de son exécution , que par la profusion de ses ornemcns , d'une légèreté et d'une délicatesse singulière. Si l'on y remarque quelques ohjets de sculpture qui ne méritent point d'être placés en ce lieu auguste , on y admirera une si grande quantité de chefs-d'œuvre , qu'on oubliera aisément ces imperfections. En un mot, il est parmi les temples du genre gothique , ce que S. Pierre de Rome est pour la moderne architecture (V. PI. III, IV et V). Toutes les parties de l'édifice sont de marbre blanc, même le toit. On pourrait sans doute entasser une plus grande quantité de marbres sur une surface plus vaste: ce serait prouver seulement de grandes dépenses , et une puissance en état de les supporter. Mais de tant d'ornemens réunis , former un ensemble qui soit aussi étonnant par sa masse, que par son travail, c'est le chef-d'œuvre de l'art et le phénomène que présente la cathédrale de Milan. 11 n'a fallu rien moins que la ferveur ardente des âmes pieuses , pour fournir les moyens d'exécuter un si riche édifice. Le même zèle fit élever de toutes parts des temples , et la plupart fu-
de cet ensemble non une sensation , mais un sentiment pro- fond de mélancolie, qui deviendra religieux en suivant l'éléva- tion de cette tour, dont la flèche aiguë, montant, pour ainsi dire , dans les airs , conduira votre pense'e sans aucune pause , sans aucune transition sensible, de la nef, séjour des lamen- tations et de la prière, jusqu'au ciel conjectural, re'fuge des espérances du chrétien. »
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rem construits dans le beau style gothique , lequel se con- serva dans l'Europe jusqu'au XV siècle. Parmi la quantité prodigieuse d'églises dans ce genre, répandues en Eu- rope , on cite principalement 3 en France, les cathédra- les de Paris, de Rheims , de Béarnais, de Chartres, de Strasbourg, d'Orléans, etc. ; eu Allemagne, celles deVienne, de Cologne , d'Ulm , de Fribourg ; en Italie, celles de Milan, de Sienne, d'Orvieto, etc. ; en Brabant, l'église d'Anvers; en Angleterre, celles d'Yorck, de Can- torbery , etc. , et en Espague on admire celles de Va- lence et plusieurs de l'Andalousie et de Grenade, bâties originairement par les Maures.
Suivant les historiens les plus accrédités, Jean Ga- leas Visconti, comte des Vertus, premier Duc de Mi- lan (1), protecteur des arts, prince très-ambitieux , qui, par une conduite habile , aidée de moyens criminels , avait affermi sa puissance , fit ériger celte cathédrale , pour accomplir un vœu qu'il avait fait à la S. Vierge , afin d'obtenir des enfans mâles de sa seconde femme Cauheriue, fille de Barnabô Visconti (2) son oncle. La mort lui avait enlevé ceux qu'il eut d'Isabelle , fille de Jean , roi de France , dit le Bon , qu'il avait épousée en premières noces. Ce vœu, disent les mêmes historiens, fut aussi celui du peuple milanais, parce qu'alors les fem- mes de ce pays accouchaient difficilement , et que les enfans mâles leur étaient ravis par une mort préma-
(1) Le portrait de ce duc , trace d'après un ancien bas-relief authentique , se trouve grave sur le frontispice de cet ouvrage.
(2) On pre'tend qu' il mourut empoisonné au château de Trezzo, ainsi que ses deux fils, par ordre de Jean Galéas , pour leur ravir la possession du duché de Milan.
turée. On se doute Lien que cetle opinion n'est fon- dée que sur les Chroniques de ces temps, Il se pour- roit aussi que le duc Galéas , crut, suivant une multi- tude d'exemples dans ces siècles , expier ses crimes par la fondation d'une riche église ; mais nous adopterons de préférence l'opinion que ce prince, très-ambitieux , zélé protecteur des arts , et qui étoit parvenu à un degré de puissance et de splendeur très-considérable , ait voulu éterniser sou nom par des monumens som- ptueux. Cette conjecture semhle d'autant plus fondée en considérant que sa magnificence ne se borna pas à celte Cathédrale , mais qu'il fit élever la superbe Chartreuse près de Pavie , ainsi que plusieurs édi- fices publics , et qu'il se montra très-libéral en tout ce qui avoit rapport à la splendeur de sa domi- nation.
Quels que fussent cependant les motifs qui engagè- rent le duc , c'est un fait avéré qu'il fit des dons et des concessions très-considérahles eu faveur du nouvel édifice, et qu'il fit présent à la ville d'une carrière de beau marbre blanc , plus propre à résister aux ravages du temps que celui de Carrare. La situation de cette carrière facilitait en outre le transport des blocs qu'on en tirait , puisque de la Candoglia , aux environs du lac Majeur, où elle se trouve, on les faisait descendre par la Toce , dans le lac même , et de-là jusqu'à Milan parle Tesin, et par le canal, conuu sous le nom de Naviglio grande.
Ce fut le même Galéas qui posa la première pierre de ce temple magnifique le 1 5 de mars 1 586 , lors- que le siège épiscopal était occupé par Aulouio, de la noble famille de Saluzzo. Cette opinion est appuyée
particulièrement sur une inscription qui se trouve dans un atelier de sculpture, placé au Campo Santo(i); on y lit :
EL PItINCIPIO DIL DUOMO DI MILANO FU NELl' ANNO I 386 (2).
Plusieurs écrivains prétendent que la construction de cette église fut commencée seulement en 1387 ou i388, et ils s'appuyent sur ce qu'on lit dans la Vie des Ar- chevêques de Milan : Anno MCCCLXXVI1I , Templum majus Mediolani jussu Galeatii Ducis in honorent B. M. Virginis incredibili impensa solido marmore instaurare cœpit.
Ils ajoutent qu'elle est due principalement au zèle des Milanais et des habitans des environs, qui ambitionnaient d'ériger une cathédrale digne de la capitale de la Lombardie , et qui désiraient gagner les indulgences que le Pape et l'Archevêque avaient accordé à tous ceux
(1) Derrière la cathédrale il y a une petite place, qui ser- voit anciennement de cimetière, et qu'on nomme encore Campo Santo , c' est-à-dire Champ Sacré , nom qui désigne générale- ment en Italie le lieu appelé en français cimetière. On y voit aussi maintenant une petite église; et la place est encombrée de blocs de marbre , qu' on travaille continuellement dans les ateliers des sculpteurs établis clans cette enceinte. Les députés pour la bâtisse de la Cathédrale ont leur résidence dans la maison voisine; ils conservent dans les archives les pièces re- latives a sa construction , et un modèle eu bois fort curieux exécuté au commencement du XVI siècle. Il est assez grand pour qu'un homme puisse y entrer debout ; et il mériterait d'être mieux conservé et placé plus convenablement.
Les curieux obtiennent facilement à se procurer la vue de ces objets.
(2) Le commencement de la cathédrale eut lieu en i586.
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qui coopérèrent h cette œuvre , soit parleurs dons , soit par leurs travaux : on sait que ce moyen fut celui qui contribua le plus efficacement à l'érection des premiers temples de la chrétienté.
Toutes ces opinions pourraient se concilier , puisque l'histoire nous apprend que le Duc n'ayant pas trouvé les premiers fondemens de l'édifice assez vastes , il les fit démolir et reconstruire ensuite de nouveau, ce qui de- manda nécessairement un ou deux ans de temps (1). Des concessions , et de riches offrandes, ont fourni alors , et successivement , les moyens nécessaires à la constru- ction et à l'entretien de cet étonnant édifice , qui fut élevé à l'endroit même où existoit déjà l'ancienne ca- thédrale , bâtie en 856 , et consacrée à Sainte Marie Majeure ; église qui avoit été saccagée et brûlée plu- sieurs fois, pendant les guerres et les invasions de Fré- déric Barberousse.
Malgré les recherches qui ont été faites jusqu'à pré- sent, le nom de l'architecte qui traça le premier des- sin de cette église est encore inconnu , et il le sera peut-être toujours, à cause de la perte de beaucoup d'anciens titres (2). Le comte Giulini a combattu, dans
(1) La magnificence du Duc et le zèle des Milanais , sont d' autant plus admirables , que cette vaste construction fut con- çue et commencée dans un temps où S. Pierre de Rome et S. Paul de Londres n' existoient pas encore.
Ce fut donc uu édifice qui devoit surpasser tous ceux qu on connoissait alors en Europe, qu'on s'e'toit propose' de cons- truire.
(2) Moriggi, dans la Description de cette cathédrale, qu'il a pu- bliée en 1 597^ parle d'un registre qui existait parmi les pièces con- servées aux archives, et qui en disparut vers l'an 1577, sans
«-«( 8 )»-> son Histoire de Milan, l'opinion de plusieurs écrivaîus qui assuraient que Henry Gamodia ou Z amodia , al- lemand , donna le premier plan de ce temple , parce que cet architecte ne fut appelé à Milan que cinq ans après que la construction en fut commencée. Il est plus facile de détruire l'opinion de Charles Tor- re , auteur du Tableau de Milan , qui s'efforce de prouver que les premiers travaux de cet édi- fice furent dirigés par l'architecte Jean - Antoine Omodeo. Cet écrivain a été probablement induit en erreur , par l'inscription qu'on voit autour d'un por- trait en marbre , situé sur le parapet de la petite ga- lerie où aboutit l'escalier tournant qui conduit dessus le Dôme : on y lit :
HOMODEUS VENER FABRICE MLI. ARCHITECTrS.
Il est prouvé que cet artiste ne vécut qu'un siècle après le commencement de la construction , dont il fut, pen- dant long-temps, un des architectes le plus instruit et le plus zélé: nous aurons occasiou de parler de lui ail- leurs. Les premiers architectes sur lesquels on a des notices positives, sont Marc de Campione et Simon Orsenigo , auxquels quelques historiens ont même at- tribué le dessiu primitif.
Mais la plupart de ces opinions ne se soutiennent
qu'on ait jamais pu le découvrir , malgré les recherches faites et les excomunications lancées contre les détenteurs de ce livre- et il déplore sa perte comme celle de la seule pièce autentique qui eut dû faire connaître le premier architecte inventeur du plan de l'église , et les notices les plus certaines sur tout ce qui regarde sa construction, depuis sa première fondation jusqu'à l'époque de l'enlèvement de ce manuscrit.
«-*( 9 )»- pas devant un examen plus approfondi: et au milieu des incertitudes qui existent toujours , il nous paraît assez probable tjne le premier dessin , antérieur à son exécution , fut l'ouvrage d'un architecte allemand. Cette conjecture trouverait sa source dans de fort anciens commentaires sur Vilruve , où il est parlé de l'église de Milan , dont, moyennant des gravures en bois bien exécu- tées , on donne le plan , des coupes , et plusieurs dé- tails très-exacts , et suivant l'ancien dessin. Elle prend encore uu caractère de vraisemblance lorsqu'en con- sidérant le grand nombre d'édifices gothiques, fort re- marquables , qui existaient avant le nôtre dans plusieurs parties du Nord , on lui trouve des rapports infini- ment singuliers entre autres avec la cathédrale de Co- logue (i). Le plan, la distribution des nefs .de celte église sont exactement les mêmes. Une égale ressem- blance se fait remarquer dans toutes ses proportions , dans les arcs-boutans , dans les aiguilles ; il n'y a d'exception à faire dans cette parité que pour la fa- çade , ce qui ne détruit en rien la comparaison que nous en faisons , et les conséquences que nous en ti- rons , puisque la façade de l'église de Milan fut changée, comme nous le dirons par la suite , plus d'une fois , et que jamais , jusqu'à nos jours , on ne s'attacha à au- cun des dessins qui furent proposés à diverses époques. Le rapprochement que nous venons de faire des deux cathédrales , et que l'on peut vérifier , comme nous l'avons fait en examinant avec soin les dessins fidèles
(0 II s'agit ici du plan de la cathédrale de Cologne, et non de son exécution entière, puisqu'elle ne parvint qu'à la moi- tié de son dessin primitif.
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de l'une et de l'autre , ce rapprochement, disons-nous, nous autoriserait à croire que celle de Cologne , bâ- tie i58 ans avant la nôtre, a pu lui servir de mo- dèle , et que les Milanais se seraient adressés à un des architectes allemands, reconnaissant en eux une supériorité de talent plus grande pour la composition de ces sortes d'é- difices , dont ils avaient sans cesse sous les yeux de beaux exemples , qui étaient fort rares en Italie.
Si les célèbres Cathédrales , en style gothique, que nous avons citées, sont les rivales de celle de Milan, par leur har- diesse, et par la richesse singulière de leurs ornemens ( i ) , elles doivent lui céder la supériorité par la qualité de la matière, et parce qu'ayant été construites dans le moyen âge , elles n'ont pu être ornées d'une aussi grande quan- tité de statues et de bas-reliefs, et que si dans quelqu'unes la sculpture y a prodigué ses travaux , la grossièreté de l'exécution les place dans un rang qui atteste la bar- barie du goût dominant de ces temps (2). Si les ou- vrages de ce genre qui ont été prodigieusement mul- tipliés autour de notre église , ne sont pas également estimables sous le rapport de l'art , au moins n'y dé- couvret-on pas sa honteuse décadence , puisque ceux qui datent d'une époque la plus rapprochée delà fondation de l'édifice , présentent déjà des beautés , et des tenta- tives vers une imitation soignée de la nature , et que nous
(1) Une ebose assez remarquable clans ces monumens , et qui ne se trouve pas clans le nôtre , c'est que la plupart sont ornés de statues de rois, de reines, et de princes, lesquelles ont servi à des développemens historiques et chronologiques.
(2) L'immense richesse, du toit et de toute la partie supé- rieure de la Cathédrale de Milan suffiroit pour détruire toute rivalité avec les autres mentionnées ci-dessus.
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voyons régner une progression de talcns qui , enfin , nous amène à admirer des chefs - d'œuvres que nous devons à plusieurs artistes , nos contemporains , nos concitoyens , dont les noms seront placés à leur temps pour la gloire des arts. Il ne paroîtra pas hors de propos que nous suspendions un moment notre rela- tion historique de la cathédrale , pour donner au le- cteur un aperçu des architectes les plus distingués , qui , dès son origine , en dirigèrent les travaux jus- qu'en i8o5.
Les documents que nous trouvons dans les archives de la fabrique de notre église , nous apprennent que Jean Galéas ne se borna pas à engager pour ce grand ouvrage des artistes italiens , mais qu'il eut recours à plusieurs architectes étrangers dont les noms se sout conservés. En remontant à Henri Aller de Gemùnden , [ plus connu dans l'histoire de notre église sous le nom de Gamodia , traduction de celui de sa ville natale (i)], que l'on peut regarder comme l'inventeur du plan exécuté eu 1387 ou 1 588 , quoique cela lui soit con- testé par Giulini , comme nous l'avons dit précédem- ment, nous signalerons les architectes suivant les époques où ils fureut chargés des travaux de ce vaste édifice. Nous retrouvons depuis i588 jusqu'à 1 5gg , Nicolas Bonaveulure , et Jean Mignot de Paris , Jeau de Campamios , normand ; Jean Anuex de Fernach , de Fribourg; Ulric de Frissingeu, d'Uliuj et Jean Cova, peintre et architecte, de Bruges eu Flandres ; Jeau
(1) On doit se rappeler que, dans ces temps, et même postérieu- rement , beaucoup d'artistes ne furent connus et désignes que par le nom du lieu où ils avoient pris naissance L'histoire des peintres d'Italie nous en fournit un grand nombre d'exemples.
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Magatti en 409- Nicolas d'Arezzo vers 14.12; Plu- lippe Bruneleschi vers 1448; Jean Solari eu 1 45 1 ^ Boniforte Solari, sou fils, en iftg; Antoine Solari, fils de celui-ci, en i476; Jean de Gratz eu 1485. Il semble qu'a cet architecte a dû succéder Jean An- toine Omodeo, qui fut choisi en 1490, quatre ans après qu'on eut consulté Hammcrer, l'architecte de la cathédrale de Strasbourg, à propos des difficultés qui s'étoieut élevées eu i486, sur la construction de la coupole et de la grande aiguille. Cela feroit conjec- turer que Omodeo fut chargé de conduire les travaux de ce dôme jusqu'en i522 , et que c'est par cette raison qu'il n'a pas signé avec les chefs d'ouvriers la pièce du 27 Juin 1490 , qui se conserve aux archives, relativement à la construction de cette partie de l'édi- fice , quoique sou fils Antoine Omodeo pût être com- pris parmi les artistes employés sous les ordres de son père. On donna, en i5i2, pour adjoint à Omo- deo, Jérôme délia Porta. Christophe Solari, dit le Bossu , architeele et sculpteur d'un mérite distingué , fut également élu architecte de la fabrique, en i5o6, mais avec la condition précise de ne point abandonner la sculpture, qu'il enrichît de beaucoup de chefs- d'œuvre.
Quelque fût le talent qu'on reconnaissoit à ces ha- biles architectes , le désir que l'on avoit de conduire à toute la perfection possible un si précieux monument de la piété et de la gloire Lombarde , fit qu'on solli- cita les lumières des artistes qui jouissoient en ces tems d'une célébrité reconnue , et dont le goût et les jugemens étoient appuyés sur des connoissances exactes auxquelles il fallait porter une foi religieuse. On consulta
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donc , en i^gi , le célèbre Bramante, duquel nous admirons encore plusieurs édifices précieux, et entre autres la magnifique Chartreuse près de Pavie ; et Césare Cesaiiano, auteur d'un excellent commentaire sur Vitrine, que nous avons déjà cité , et ils ont peut-être même dirigé quelques travaux de l'église , de même que le Bramantino , en i5ig. Enfin le fameux Léonard de Vinci qui réunissoit , à uu degré éminent , au talent de la peinture , ceux d'un habile architecte , d'un savant géomètre , et même d'un musicien peu ordinaire ; ce génie capable de prononcer ex professo sur tout ce qui avoit rapport aux arts , fut également appelle à donuer des conseils, en i5io, aiusi que le cé- lèbre peintre et architecte Jules Romain, en i54-i. En 1567 on nomma comme principal arebitecte Pel- legrino Pellegrini, appelle particulièrement par les Bo- lonais , le Tibaldi , du nom de son père. Cet architecte fît, pendant le cours de dix- neuf ans qu'il eut cette direction , embellir l'intérieur du temple. On lui doit le beau pourtour du chœur et les cha- pelles souterraines. Nous parlerons ailleurs de tout ce qui appartient dans cet édifice , à ce grand artiste, et nous allons continuer le tableau que nous consacrons à la mémoire des hommes à talents qui méritent au- jourd'hui, en excitant notre admiration par leurs ou- vrages, celte mention honorable. A Pellegrini succé- da, en 1Ô87 , Martin Bassi , qui se fit dislingue par ses écrits contre les ouvrages de Pellegrini , ayant pour titre Disparer i in materia d' architettura e perspettiva ; imprimés en iô^s, et il fut remplacé, en iCjoo, par François Marie Ricchino. Après vint, on 161 7 , Fabio Mangone qui est regardé comme élève
de Pellegrini; auquel succéda, en i658, Charles Buzzi. A la mort de ce dernier , Jérôme Quadrio qui avoit déjà été chargé de le remplacer , pendant sa ma- ladie , fut reconnu architecte de l'église, en i658 (i).
Pendant un espace de soixante ans, savoir, depuis 1G79 jusqu'en 1744» <îue les travaux de la cathé- drale languissants et déterminément suspendus , u'of- froient plus aux architectes des moyens de se faire honneur, que par quelques parties çà et là terminées, on compte parmi ceux qui furent à la tête de l'en- treprise, André Biffi , Jean Baptiste Quadrio, et ensuite Vanvilelli, qui proposa un sujet de façade, composé d'un portique décoré de colonnes torses. Charles Joseph Merlo qui succéda à l'architecte Croce en 1770, avoit présenté en même tems ses propres idées. JNous avons de Croce des considérations sur la coupole et la graude aiguille, qui furent remises, le 19 juillet 1764, à l'administration. C'est à cet artiste qu'est clue la com- position de la dite aiguille qu'il fit achever en 1772.
Jules Galliori ayant été nommé architecte de l'église, présenta un nouveau dessin de la façade , qu'il accom- pagna de réflexions critiques, fort bien raisonnées, dont le but tendoit à faire disparaître le défaut qu'on ne pourroit éviter en s'ohslinaut à continuer des travaux déjà commencés, qui étoient du style romain propre- ment dit. Cela éveilla l'intérêt, et le nohle amour propre qui anime ordinairement les artistes par la concurrence, moyen qui procura tant de splendeur aux arts de la
(1) Nous observerons , pour la plus parfaite intelligence , que l'admini- stration a constamment élu, en tout temps, un architecte principal qui doit proposer et diriger les travaux , soit d'après ses propres dessins , soit d'après les projets adopte's antérieurement.
Grèce. La concurrence doue excita le génie , et l'on vit Je sculpteur Pagani, Charles Orombelli, et le marquis Louis Cagnola , tracer chacun un nouveau projet pour cette façade qui occupoit tous les esprits.
Yers la fin de 1 795 , Félix Soave fut appelle pour succéder à Galliori , et cela produisit encore un autre dessin , qu'il conçut pour réformer la façade en ado- ptant les bases établies daus le projet, déjà commencé, de Buzzi , et en conservant la forme des portes et fenêtres de style romain. En 1802, l'architecte An- tolini succéda à Soave ; mais ayant été appelé à la place de professeur d'architecture dans l'académie de Bologne , il abandonna Milan un an après sa nomination.
Nous voici arrivés à une époque qui dissipa cette espèce d'apathie , laquelle depuis tant d'années faisoit craindre que jamais on ne verroit se terminer un mo- nument si riche , et dont les premiers travaux avoient été commencés et poursuivis avec toute l'ardeur que peuvent inspirer la piété , l'amour de la gloire natio- nale , et celui des arts. On s'étoit malheureusement habitué à entendre répéter, surtout par les étrangers, que des siècles s'amoucelleroient encore sur les marbres de ce temple , avant qu'on vît rien d'achevé , et ou sembloit croire que les difficultés qui s'offroient pour la construction de cette façade , objet de la pen- sée de tant d'artistes ingénieux qui s'étoient succé- dés , avoient effrayé ceux de nos jours , et les dé- tournoient de tenter à vaincre ces difficultés : comme si dans la nature il y avoit des siècles exclusivement réservés au génie , et d'autres qu'elle condamne à la pauvreté. Et parce que les exemples , les modèles qu'elle offre sont rares , doit-ou en inférer que cette
<-«( i6 ):»->• rareté est une des combinaisons nécessaires de sa com- position générale ? C'est aux circonstances et surtout aux encouragemens , sagement et judicieusement distri- bués, que l'on doit l'existence des hommes, qui rendent brillant le siècle où ils ont vécu. C'est donc à la société , aux institutions qui la gouvernent , à sa posiliou géo- graphique , à ses mœurs , et à ses richesses , que l'on peut attribuer la gloire qui environne des savants , des artistes , dont les noms vont enfin faire une époque que l'histoire signale par le titre d'illustre , de pom- peuse ; et l'expérience nous a démontré que pour pro- duire quelque chose que ce soit de grand , il ne faut que vouloir. Ce sont les honneurs accordés par Au- guste , par les Médicis , par Louis XIV , qui out fait de leur siècle des époques mémorables.
Cette vérité n'est pas moins évidente de nos jours , et notre siècle , non moins fécond en savans et en ar- tistes, ne nous laisse plus rien à désirer pour soutenir la comparaison avec ces temps glorieux , avec la dif- férence qu'alors les sciences et les arts étoient le par- tage exclusif de quelques contrées , tandis que de nos jours on les a portés à un haut degré de perfection dans presque tous les pays de l'Europe. Par rapport aux arts, il suffit de nommer les Canova , les Thoi'wald- sen, les David, Gérard, Gnérin , Fûger, Appiani , Camucciui , un Berwik , un Morghen , un Longhi , Gandolfi , Rosaspina , Bettelini , Millier , DesnoYers, Massard (t), et quantité de leurs élèves déjà rivaux de la gloire de leurs maîtres , ainsi qu'un nombre pro-
(i) En plaçant ces noms, nous n'avons pas eu l'intention d'assigner à chacun son rang ; ces noms se sont trouves sous noire plume seu- lement comme notre mémoire nous les a préscnte's.
digieux d'autres artistes qui se distinguent par leurs talents; nous en suspendons rémunération pour ne point nous étendre trop au long.
Si les grandes entreprises qui furent le motif de la suprématie des artistes , l'honneur des siècles anté- rieurs, sont maintenant beaucoup moins fréquentes, on y a suppléé par les concours , par les expositions annuelles , par les récompenses honorables distribuées périodiquement. La culture des arts et les encoura- gemens n'ont pas moins influé sur tous les objets d'in- dustrie et sur les différentes classes d'artisans. Qu'ont à faire les meubles , les étoffes , les décorations de luxe qui se fabriquoieut jusques vers la fin du dernier siècle, avec nos bronzes ciselés, avec nos superbes porcelaines, avec nos meubles, dont les formes sont si élégantes, avec nos tapisseries qui s'approchent de la peinture, et finalement avec les belles étoffes, où le bon goût des dessins a remplacé le baroqiiisme des anciens. En parlant de Milan en particulier, que l'on interroge le voyageur éclairé , l'bomme de goût qui sait apprécier les beautés, en quelque lieu qu'il les trouve, ne ré- pondra-t-il pas qu'il a été ravi d'admiration en voyant nos décorations théâtrales , introduites par les Galleari et Gouzaga , et portées par Landriani , Canna, Fueutes, Perego , et par Sanquii ico au plus haut degré de richesse et de perfection ; qu'il a été étonné de voir tous les arts concourir à donner de l'éclat et de la pompe à nos apprêts funèbres; qu'il a reconnu depuis le palais jusqu'à la demeure du simple particulier , dans la dis- tribution , la composition d'un style gracieux des peintures d'ornemens , d'arabesque et de perspective , l'influence que dans cette partie de l'Italie a dû nécessairement
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produire le mode d'eucouragemeut et d'instruction qu'on y a aùopté. La reconnoissance publique nous dicte ici le nom de Jocoude Albertoli. C'est à cet artiste, estimable sous tant de rapports, et qui préside depuis 40 ans à l'instruction de cette partie des arts, que nous devons la création de ce goût si rare dans la composition de l'ornement (1). N'est-ce pas au marquis Caguola, notre contemporain, qu'appartient la gloire d'un monument dont le dessin rivalise avec tout ce que les Romains ont produit de majestueux eu ce genre, et dont les sculptures étonnent par le goût et l'extrême délicatesse de leur exécution ?
On nous pardonnera la longueur de cette digression elle nous offroit l'occasion de rendre un hommage à la vérité, en démontrant que notre pays possède à juste titre une place honorable dans les fastes des beaux arts, et que par le secours de ceux-ci on y voit fleurir en même temps toutes les branches d'industrie, lesquelles accé- lèrent la civilisation. D'ailleurs ces réflexions générales ne sont point étrangères au sujet que nous traitons, lequel va nous occuper de tout ce qu'embrassent les arts d'imitation et de génie. Si en décrivant leurs pro-